Ces dernières années j’ai eu le plaisir d’accompagner différents athlètes de haut niveau en coaching et en EMDR. Je reste persuadée de l’importance de parler de l’utilité de l’EMDR dans la performance sportive. J’ai été bluffée de voir qu’en matière de traitement des trauma sportifs, parfois une seule séance suffit pour lever un blocage apparu suite à une blessure.
EMDR, chocs émotionnels et traumatismes chez les athlètes et sportifs de haut niveau.
La pratique du sport de haut niveau expose les athlètes à des situations de stress extrême qui peuvent laisser des traces psychologiques profondes. Ces traumatismes ne se limitent pas aux blessures physiques : les non-sélections, les contre-performances, la pression de l’entourage ou encore l’exposition médiatique peuvent générer des blocages et des troubles durables, souvent sous-estimés dans le monde sportif.
Blessures, accidents et commotions : des traumatismes majeurs
Les blessures graves, les chutes à grande vitesse (en ski ou cyclisme, par exemple) ou les commotions cérébrales sont des sources fréquentes de stress post-traumatique chez les sportifs. Les études montrent que 13 à 25 % des athlètes présentent des symptômes de SPT, soit deux à trois fois plus que dans la population générale (Aron et al., 2019).
Les conséquences peuvent inclure : hyperexcitation, troubles du sommeil, pensées récurrentes, cauchemars, évitement de certaines situations ou gestes sportifs, voire arrêt temporaire ou définitif de la pratique.
Clint Malarchuk, ancien gardien de hockey NHL, a par exemple souffert pendant des années de SSPT après avoir survécu à une blessure spectaculaire à la gorge en plein match. Ce type d’événement laisse une empreinte psychique durable, bien au-delà de la cicatrisation physique.
Non-sélections, ruptures de contrat et exclusion : des traumas silencieux
Être écarté d’une sélection, perdre sa place dans une équipe, ou vivre une rupture de contrat sont des expériences pouvant provoquer une détresse émotionnelle profonde, parfois assimilable à un deuil. Ces événements sont souvent minimisés mais peuvent entraîner anxiété, perte de confiance, troubles du sommeil, ruminations, voire des blocages moteurs.
Les symptômes s’apparentent à ceux du stress post-traumatique, même si le DSM-5 ne les classe pas toujours comme tels. Les recherches récentes insistent sur la nécessité de prendre en compte ces « petits » traumatismes, qui peuvent avoir des effets aussi délétères que les blessures physiques (Cao et al., 2023 ; Gold et al., 2005 ; Mol et al., 2005).
Pressions extérieures : famille, entraîneurs, réseaux sociaux
La pression ne vient pas uniquement de la compétition : attentes familiales, exigences des entraîneurs, exposition médiatique et nécessité de « performer » sur les réseaux sociaux s’ajoutent à la charge mentale des athlètes.
Naomi Osaka, quadruple vainqueure de Grand Chelem, a suspendu sa carrière en 2021 en évoquant l’anxiété liée aux obligations médiatiques. Michael Phelps, nageur le plus titré de l’histoire olympique, a révélé avoir traversé de longues périodes dépressives malgré ses victoires, insistant sur l’importance de l’accompagnement psychologique des sportifs.
Autres exemples de blocages et de symptômes
En gymnastiques, on connait les « twisties » (perte de repères ) ou les « yips » au golf (blocage du geste), d’autres formes de blocages existent :
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Syndrome de la page blanche chez les tireurs sportifs ou archers, incapables de déclencher le geste au moment crucial.
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Blocage du service chez les tennismen, qui n’arrivent plus à engager le point.
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Impossibilité de plonger chez les nageurs après une mauvaise réception.
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Refus de contact chez les rugbymen après une commotion, se traduisant par l’évitement des duels.
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Arrêt de la course chez les sprinteurs ou coureurs de fond, sans cause physique apparente.
Signaux d’alerte à surveiller
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Troubles du sommeil persistants
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Irritabilité, repli sur soi, perte d’intérêt
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Évitement de certaines situations, gestes ou compétitions
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Baisse soudaine de performance sans explication physique
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Douleurs inexpliquées, troubles psychosomatiques
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Discours négatif, perte de confiance, idées noires
L’EMDR : une solution efficace
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une thérapie reconnue pour traiter les traumatismes psychiques, notamment dans le sport, même si elle n’est pas encore très connue dans ce milieu. Elle permet de retraiter les souvenirs douloureux, d’apaiser les émotions associées et de restaurer la capacité d’action du sportif.
Des études de cas cliniques montrent son efficacité dans le traitement des blocages liés à des blessures ou à des situations traumatiques. J’ai eu l’occasion de travailler avec un rugbyman ayant développé un blocage lors des sauts suite à une chute. Une seule séance a suffit pour que son cerveau digère ce souvenir et qu’il retrouve sa pleine capacité de mouvement. D’autres exemples existent en natation, golf, tir à l’arc ou tennis, montrant comment l’EMDR peut débloquer des situations réputées insolubles (Graham, 2004 ; Bennett et al., 2017 ; Curdt & Falls, 2018).
Il convient toutefois de rappeler que chaque situation est unique : certaines problématiques nécessitent plusieurs séances, notamment quand les symptômes sont anciens ou très ancrés.
Conclusion
Les traumatismes psychiques chez les sportifs de haut niveau sont nombreux, multiformes et souvent invisibles. Blessures, accidents, non-sélections, pressions extérieures : autant de chocs qui peuvent laisser des traces durables. Il est essentiel de reconnaître ces signaux d’alerte et de proposer des accompagnements adaptés, comme l’EMDR, pour permettre aux athlètes de retrouver équilibre et performance.
Il est temps que le monde du sport considère la santé mentale avec le même sérieux que la performance physique. Préserver l’intégrité psychique des sportifs, c’est aussi leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel.
Références :
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Aron, C. M. et al. (2019). Post-traumatic stress disorder (PTSD) and other trauma-related mental disorders in elite athletes: A narrative review. BJSM.
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Cao, X. et al. (2023). Elite youth athletes’ mental health…. Journal of Sports Sciences.
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Gold, S. et al. (2005). Is life stress more traumatic than traumatic stress? Journal of Anxiety Disorders.
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Mol, S. et al. (2005). Symptoms of PTSD after non-traumatic events. British Journal of Psychiatry.
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Graham, L. (2004). Traumatic swimming events reprocessed with EMDR. The Sport Journal.
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Bennett, J. et al. (2017). The Efficacy of EMDR With Graded Exposure in Sport. Journal of EMDR Practice and Research.
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Curdt, A. & Falls, N. (2018). EMDR and athletic trauma.
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The Guardian (2021). Naomi Osaka withdraws from French Open.
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ESPN Documentary (2018). The Weight of Gold (Michael Phelps).