Gestion de Conflit au Travail : La Clé n’est pas la Logique, mais l’Émotion.

Gestion de Conflit au Travail : La Clé n’est pas la Logique, mais l’Émotion.

Gestion de Conflit au Travail : La Clé n’est pas la Logique, mais l’Émotion.

Vous êtes manager ou dirigeant et vous sentez la tension monter dans votre équipe ou avec un collaborateur ?

Un simple désaccord sur un projet qui se transforme en un affrontement personnel ?

Vous avez l’impression de passer plus de temps à gérer des susceptibilités qu’à avancer sur vos objectifs ?

Rassurez-vous, c’est une situation que tous les managers connaissent. Le problème n’est souvent pas votre logique ou vos arguments, mais une mécanique cérébrale puissante qui nous dépasse tous.

Dans cet article, je vous dévoile pourquoi les conflits s’enlisent et vous transmets la méthode la plus efficace pour les désamorcer : une approche qui consiste à arrêter de vouloir convaincre avec la raison pour commencer par adresser l’émotion. Une compétence clé que je travaille en coaching avec les dirigeants et les managers que j’accompagne.

Le Point de Bascule : Quand le Conflit Devient Personnel

Dans le monde professionnel, les désaccords sont inévitables. Le point de bascule crucial se produit lorsque la discussion quitte le terrain du problème pour se centrer sur l’individu.

Lorsque des tensions apparaissent, il est fréquent de voir les parties impliquées passer d’une analyse objective du problème à une perception subjective et souvent négative de l’autre personne. Les réflexions deviennent alors « C’est un incapable », « Il me veut du mal », ou encore « Elle refuse mon autorité » pour un manager.

Cette personnalisation du conflit est un signe que notre cerveau émotionnel et archaïque a pris le dessus.

Ce mécanisme est décrit comme l’activation du Système 1 de pensée : rapide, intuitif et basé sur nos émotions, par opposition au Système 2, plus lent et rationnel.

Face à une opinion divergente ou un désaccord, notre cerveau primitif peut interpréter l’autre comme une menace, un « prédateur » potentiel. Cette réaction de défense, héritée de nos ancêtres, nous pousse à nous protéger et à diaboliser l’adversaire.

En conséquence, au lieu de chercher des solutions au problème, l’énergie est dépensée à justifier notre propre position et à attaquer celle de l’autre. Le conflit s’ankylose, alimenté par des jugements de valeur et des interprétations négatives, rendant toute collaboration ou compromis quasi impossible.

Comprendre que la perception de l’autre comme un « ennemi » est souvent une réaction primaire de notre cerveau, et non une réalité objective, permet de prendre du recul et de réorienter le dialogue vers le problème initial.

Pourquoi vos Tentatives de « Raisonner » l’Autre Échouent ?

En tant que manager, votre réflexe est sûrement d’essayer de ramener le calme en recentrant le débat sur les faits et la logique. Pourtant, vous constatez que cela ne marche pas, et que le conflit s’intensifie même.

L’erreur que je vois le plus souvent chez les managers que j’accompagne est de vouloir parler au Système 2 (la raison) alors que c’est le Système 1 (l’émotion) qui est aux commandes. C’est comme essayer de faire des maths avec une personne en pleine crise d’angoisse : sa capacité d’analyse objective est paralysée.

Les émotions dominent, et la capacité à penser de manière claire et objective est largement altérée.

Dans ces moments-là, c’est le Système 1, le cerveau émotionnel et archaïque, qui est aux commandes. Les personnes se sentent attaquées, menacées, et réagissent avec des mécanismes de défense primitifs. Voir l’autre comme un « prédateur » n’est pas une simple métaphore, c’est une réalité psychologique intense qui paralyse toute tentative de résolution rationnelle.

La Clé : Plonger dans l’Émotion pour Mieux en Sortir

La solution efficace, bien que contre-intuitive, est d’adresser la charge émotionnelle en premier. Ce n’est qu’une fois l’émotion apaisée que la porte de la logique pourra se rouvrir.

Voici les différentes compétences que j’enseigne en coaching aux managers et dirigeants

Développer l’empathie managériale et désamorcer la charge émotionnelle

L’objectif primordial est que la personne en face de vous se sente profondément comprise ce qui désamorce la défensive et ouvre la voie à la confiance et à la révélation d’éléments de compréhension.

L’empathie managériale est la capacité à identifier, comprendre et articuler le point de vue et les émotions de l’autre personne, même si vous n’êtes pas d’accord. Elle n’est ni de la sympathie, ni de la compassion.

Ce sentiment de compréhension désamorce instantanément la défensive et ouvre la voie à la confiance et à la révélation d’éléments cruciaux pour la résolution.

Pour y parvenir, plusieurs techniques sont essentielles :

      • L’étiquetage émotionnel: Des études en psychologie ont démontré que le simple fait de nommer les émotions négatives tend à réduire l’activation de l’amygdale, la partie du cerveau associée à la peur et aux réactions de stress. Utilisez des phrases telles que « On dirait que vous êtes en colère » ou « On dirait que vous hésitez… ».
      • La projection du point de vue : Mettez-vous activement à la place de l’autre pour essayer de comprendre comment il voit les choses et ce qui est important pour lui. Cela se traduit par des phrases comme : « On dirait que pour vous, il est important de… » ou « Vous êtes quelqu’un qui cherche à faire de l’excellent travail, et pour vous, cela passe par… ».

Que ce soit pour l’étiquettage émotionnel comme la projection de point de vue, ne jamais dire « je » qui ramène vers soi et activera les défenses de l’autre « j’ai l’impression que tu/vous », « je ressens que tu es en colère », (les adeptes de la CNV n’aimeront probablement pas ce que je décrit ici…)

      • C’est aussi l’occasion de lister mentalement toutes les accusations ou perceptions négatives qu’il pourrait avoir à votre égard ou envers la situation (« Vous pensez peut être que je n’y connais rien, que je ne cherche qu’à vous imposer mon point de vue … »… »). En les anticipant, vous pouvez les valider sans les justifier, ce qui renforce le sentiment de compréhension.
      • Le ton de voix : Votre ton de voix est un outil puissant. Maintenez une voix calme et posée, articulée, en laissant des silences, avec des intonations descendantes à la fin des phrases. Cela aide à créer un environnement apaisant et à projeter une aura de sérénité, même face à l’agressivité ou à la tension.

L’écoute active

La plupart des gens n’écoutent pas vraiment ; ils écoutent pour contrer, pour formuler leur prochaine argumentation, plutôt que pour comprendre. L’écoute active est le contraire : elle consiste à se concentrer pleinement sur ce que dit l’autre, non seulement les mots, mais aussi le ton, le langage corporel.

      • Les « reflets » : Répétez les derniers mots importants ou les idées clés prononcées par l’autre. Par exemple, si la personne dit « Je suis épuisé par la surcharge de travail », vous pourriez répondre :  » par la surcharge de travail… ? » Cela l’invite à s’ouvrir davantage et à se livrer, montrant que vous êtes attentif.
      • Les résumés : Reformulez ce que vous avez compris des propos de l’autre pour vous assurer d’avoir bien saisi sa perspective et pour qu’il le constate. L’objectif est d’obtenir de l’interlocuteur un « C’est vrai », signe qu’il se sent réellement compris et que la barrière émotionnelle commence à s’estomper, permettant un terrain plus propice à la discussion.
      • Éviter le « Pourquoi » : Il est crucial d’éviter les questions commençant par « Pourquoi ». Elles sont souvent perçues comme accusatrices et peuvent mettre la personne sur la défensive, la poussant à justifier sa position plutôt qu’à explorer des solutions.

Passez de la confrontation à Rendre l’autre actif dans la résolution du problème

Une fois l’émotion désamorcée, il est temps de rendre votre collaborateur actif dans la recherche de solution. Pour cela, utilisez des questions ouvertes calibrées qui commencent par « Comment » ou « Quoi ». Elles sont perçues comme une invitation à la collaboration, contrairement au « Pourquoi » qui peut sembler accusateur.

Qu’est-ce qu’une question calibrée ?

Une question calibrée est une question ouverte qui ne peut pas être répondue par un simple « oui » ou « non ». Elle commence presque toujours par « Comment » ou « Quoi ». L’objectif est de forcer l’interlocuteur à réfléchir en profondeur et à formuler une réponse élaborée. Contrairement au « Pourquoi » qui peut sonner accusateur et mettre sur la défensive, les « Comment » et « Quoi » sont perçus comme des invitations à la collaboration et à l’explication.

À quoi servent les questions calibrées ?

Les questions calibrées sont utilisées pour rendre l’autre actif dans la résolution du problème en dirigeant sa réflexion. Elles permettent d’atteindre plusieurs objectifs clés en négociation et en communication :

    • Extraire des informations cruciales : En demandant à l’autre de s’expliquer, vous obtenez des détails sur ses motivations, ses priorités, ses contraintes et ses peurs. Ces informations sont vitales pour comprendre pleinement sa position et identifier les leviers potentiels.
    • Orienter la pensée de l’autre : Plutôt que de proposer directement des solutions ou de confronter des arguments, vous amenez l’autre à considérer des aspects spécifiques de la situation. Vous posez des questions qui l’encouragent à réfléchir à des solutions ou à des obstacles que vous souhaitez qu’il prenne en compte.
    • Engager l’autre dans le processus : Lorsque l’autre partie doit réfléchir et verbaliser ses pensées, elle s’investit davantage dans le processus de résolution. Elle passe d’un rôle passif à un rôle actif, ce qui augmente son adhésion aux solutions qui émergent.
    • Faire avancer la négociation : Si une discussion est bloquée, une question calibrée peut relancer le dialogue en demandant à l’autre comment il envisage de progresser, de mettre en œuvre un accord, ou de surmonter un obstacle. Elle transforme un « non » ou un silence en une opportunité d’exploration.
    • Préparer le terrain pour l’accord : En amenant l’autre à formuler ses propres solutions ou à exprimer ses propres contraintes, vous facilitez l’atteinte d’un accord mutuellement acceptable, car il aura l’impression d’avoir contribué activement à sa conception.

Exemples de questions calibrées :

Voici quelques exemples de questions calibrées et leur effet :

    • « Comment sommes-nous censés faire cela ? » (Invite l’autre à trouver une méthode de mise en œuvre.)
    • « Qu’est-ce qui est important pour vous dans cette situation ? » (Dirige la réflexion sur ses priorités fondamentales.)
    • « Comment pouvons-nous faire en sorte que cela fonctionne pour nous deux ? » (Pousse à une réflexion collaborative sur des solutions mutuellement bénéfiques.)
    • « Qu’est-ce qui vous a amené à cette conclusion ? » (Demande une explication du raisonnement de l’autre.)
    • « Comment pensez-vous que nous devrions gérer cela ? » (Met l’autre en position de proposer une voie à suivre.)

En maîtrisant l’art de poser des questions calibrées, vous ne forcez pas l’autre à vos vues, mais vous le guidez subtilement à travers sa propre réflexion pour qu’il devienne un participant actif et constructif dans la recherche d’une issue favorable.

Ce qu’il faut retenir

Gérer un conflit ne consiste pas à gagner un débat, mais à désamorcer une réaction émotionnelle de défense. En comprenant que vous devez d’abord parler au « cerveau émotionnel » de votre interlocuteur, vous changez radicalement votre approche. L’écoute, la validation des émotions et les questions collaboratives sont vos meilleurs outils.

Vous vous sentez dépassé ? Le coaching de manager et dirigeant est là pour ça.

Mettre en pratique ces techniques en pleine tempête demande de la méthode, de l’entraînement et du recul. C’est précisément mon rôle en tant que coach professionnelle.

J’accompagne les managers comme vous à développer ces compétences pour transformer les conflits en opportunités de renforcer leurs équipes.

Vous souhaitez développer votre leadership et gérer les situations tendues avec plus de sérénité ?

Vous pouvez réserver une première séance ou un appel exploratoire gratuit.

Nous discuterons de vos défis et verrons comment un accompagnement personnalisé peut vous aider à atteindre vos objectifs.

Syndrome du mouvement perdu, yips, twisties : comprendre les blocages moteurs chez les sportifs et les traiter avec l’EMDR

Syndrome du mouvement perdu, yips, twisties : comprendre les blocages moteurs chez les sportifs et les traiter avec l’EMDR

L’an dernier, en tant que membre du jury pour l’article de Marcant et al. (2024), j’ai été particulièrement touchée par leur analyse fine des blocages moteurs d’origine traumatique chez les athlètes. Ce travail m’a inspirée pour écrire cet article, en y apportant une perspective clinique issue de ma propre expérience en thérapie EMDR.

Syndrome du mouvement perdu, yips, twisties : comprendre les blocages moteurs chez les sportifs et les traiter avec l’EMDR

Dans le monde du sport de haut niveau, certains blocages moteurs soudains intriguent autant qu’ils déstabilisent : une gymnaste perd ses repères en plein vol (twisties), un archer est incapable de décocher (syndrome de la page blanche), un golfeur ne peut plus effectuer un putt simple (yips). Ces pertes d’accès au geste automatisé sont parfois attribuées à une simple anxiété de performance. Mais la réalité est souvent plus complexe.

Des travaux récents, dont l’étude de Marcant et al. (2024), viennent étayer une hypothèse centrale : ces blocages pourraient relever, dans certains cas, de processus dissociatifs liés à un vécu traumatique, mobilisant des ressources corporelles et émotionnelles inconscientes.

Qu’est-ce que la dissociation traumatique ?

La dissociation traumatique est une réponse neurophysiologique à une situation perçue comme insupportable ou menaçante, souvent vécue de manière passive et impuissante. Lorsqu’il n’est pas possible de fuir ou de lutter, le corps active une stratégie de survie qui implique une forme de « déconnexion » : on se coupe partiellement de ses sensations, de ses émotions, ou de son mouvement.

Chez les sportifs, cette dissociation peut se traduire par :

  • une perte transitoire de contrôle moteur (« je veux faire le mouvement, mais mon corps ne suit pas »),

  • un blanc mnésique ou cognitif (« je ne sais plus ce qui m’est arrivé »),

  • une altération de la conscience corporelle (« je ne sens plus mes appuis »),

  • une distorsion de la perception du temps ou du danger (« tout ralentit, je flotte »).

Ce mécanisme est bien documenté dans les travaux de van der Hart, Nijenhuis et Steele (2006) sur la dissociation structurelle, et confirmé par des approches neurobiologiques contemporaines (van der Kolk, 2014).

Anxiété de performance ou dissociation ? Deux logiques à ne pas confondre

Tous les blocages ne relèvent pas d’un traumatisme. Il est essentiel de distinguer deux types de blocages moteurs :

Anxiété de performance Dissociation traumatique
Liée à la peur de l’échec ou au surinvestissement de l’enjeu Liée à un événement menaçant passé (blessure, chute, humiliation, rupture de lien)
Surcharge cognitive (trop de contrôle conscient) Coupure défensive (perte d’accès sensorimoteur)
Gêne anxieuse, agitation, tension musculaire Vide, sidération, coupure de sensations
Amélioration par techniques mentales, relaxation, coaching Nécessité de retraitement émotionnel (ex : EMDR)

 

Twisties, yips, syndrome du mouvement perdu (lost move syndrom) et autres blocages : des symptômes compatibles

Les twisties, décrits par Simone Biles, relèvent d’une perte brutale du repérage spatial en pleine figure aérienne. Les yips, chez les golfeurs ou tennismen, empêchent l’exécution d’un geste simple, sans blessure ni déficit neurologique. Dans d’autres disciplines, on parle de lost move syndrome ou de « freeze » moteur.

Dans la littérature, ces phénomènes sont associés :

  • à une interruption de la mémoire procédurale (Yu et al., 2022),

  • à une désintégration sensorimotrice temporaire (Bennett et al., 2017),

  • à des mécanismes défensifs inconscients de type freezing ou dissociation partielle (Spiegel et al., 2013).

Marcant et al. (2024) ajoutent une hypothèse essentielle : ces pertes d’accès au geste ne surviennent pas par hasard, mais dans des contextes à forte charge émotionnelle ou symbolique (retour après blessure, échec marquant, sentiment d’humiliation, rupture avec l’entraîneur, etc.). Le geste bloqué est souvent celui qui symbolise la reconquête de la maîtrise ou la réinscription dans le lien.

L’apport de l’EMDR : retraiter la charge émotionnelle du geste

L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une méthode de thérapie basée sur les mouvements oculaires ou stimulations bilatérales alternées, utilisée pour retraiter les souvenirs non digérés. Dans le cas des blocages moteurs, elle permet de :

  • repérer les déclencheurs implicites liés au geste,

  • traiter les émotions et sensations figées dans le corps,

  • restaurer l’intégration sensorimotrice.

Des études de cas (Curdt et al., 2019 ; Graham, 2004) montrent que des sportifs ayant développé des yips, twisties ou blocages post-blessure ont pu, après EMDR, retrouver la fluidité du geste, sans anxiété ni appréhension.

Marcant et al. (2024) soulignent que le travail corporel et sensoriel est essentiel dans ces accompagnements : le symptôme n’est pas à « contrôler », mais à écouter comme le langage d’une expérience émotionnelle non verbalisée.

Pour ma part, j’ai pu travailler sur ce type de blocages avec différents sportifs de très haut niveau : rugby, basket, aviron, BMX, …

Une approche intégrative du symptôme

Le blocage moteur chez les sportifs n’est ni une faiblesse mentale, ni une pathologie isolée. C’est souvent le signe d’un conflit entre l’élan vital et une mémoire traumatique non digérée, entre le désir de performer et une peur archaïque de revivre une situation douloureuse.

L’approche proposée par Marcant et al. (2024) invite à sortir d’une logique de maîtrise ou de performance pour entrer dans une posture d’écoute clinique. Le symptôme, dans cette perspective, est une tentative de préservation de l’intégrité psychique du sujet.

📖 Références

  • Marcant, P., Bardot, C., Perrin, S., & Chauvin, J. (2024). Le blocage moteur chez le sportif de haut niveau : une approche clinique des troubles dissociatifs d’origine traumatique. Pratiques Psychologiques. https://doi.org/10.1016/j.prps.2024.101957

  • Yu, G., Chang, K.-F., & Shih, I.-T. (2022). An exploration of the antecedents and mechanisms causing athletes’ stress and twisties symptom. Heliyon, 8(10), e11040.

  • Bennett, J. et al. (2017). The yips in sport: A review. Sport and Exercise Psychology Review.

  • Curdt, A., Eggleston, B. (2019). Efficacy of EMDR in athletic trauma cases. Spotlight on Clinical Psychology Research.

  • Van der Hart, O., Nijenhuis, E. R. S., & Steele, K. (2006). The Haunted Self: Structural Dissociation and the Treatment of Chronic Traumatization.

  • Van der Kolk, B. (2014). The Body Keeps the Score. Viking.

  • Spiegel, D., et al. (2013). Dissociative disorders in DSM-5. Depress Anxiety.

EMDR, chocs émotionnels et traumas chez les athlètes et sportifs de haut niveau.

EMDR, chocs émotionnels et traumas chez les athlètes et sportifs de haut niveau.

Ces dernières années j’ai eu le plaisir d’accompagner différents athlètes de haut niveau en coaching et en EMDR. Je reste persuadée de l’importance de parler de l’utilité de l’EMDR dans la performance sportive. J’ai été bluffée de voir qu’en matière de traitement des trauma sportifs, parfois une seule séance suffit pour lever un blocage apparu suite à une blessure.

EMDR, chocs émotionnels et traumatismes chez les athlètes et sportifs de haut niveau.

La pratique du sport de haut niveau expose les athlètes à des situations de stress extrême qui peuvent laisser des traces psychologiques profondes. Ces traumatismes ne se limitent pas aux blessures physiques : les non-sélections, les contre-performances, la pression de l’entourage ou encore l’exposition médiatique peuvent générer des blocages et des troubles durables, souvent sous-estimés dans le monde sportif.

Blessures, accidents et commotions : des traumatismes majeurs

Les blessures graves, les chutes à grande vitesse (en ski ou cyclisme, par exemple) ou les commotions cérébrales sont des sources fréquentes de stress post-traumatique chez les sportifs. Les études montrent que 13 à 25 % des athlètes présentent des symptômes de SPT, soit deux à trois fois plus que dans la population générale (Aron et al., 2019).

Les conséquences peuvent inclure : hyperexcitation, troubles du sommeil, pensées récurrentes, cauchemars, évitement de certaines situations ou gestes sportifs, voire arrêt temporaire ou définitif de la pratique.

Clint Malarchuk, ancien gardien de hockey NHL, a par exemple souffert pendant des années de SSPT après avoir survécu à une blessure spectaculaire à la gorge en plein match. Ce type d’événement laisse une empreinte psychique durable, bien au-delà de la cicatrisation physique.

Non-sélections, ruptures de contrat et exclusion : des traumas silencieux

Être écarté d’une sélection, perdre sa place dans une équipe, ou vivre une rupture de contrat sont des expériences pouvant provoquer une détresse émotionnelle profonde, parfois assimilable à un deuil. Ces événements sont souvent minimisés mais peuvent entraîner anxiété, perte de confiance, troubles du sommeil, ruminations, voire des blocages moteurs.

Les symptômes s’apparentent à ceux du stress post-traumatique, même si le DSM-5 ne les classe pas toujours comme tels. Les recherches récentes insistent sur la nécessité de prendre en compte ces « petits » traumatismes, qui peuvent avoir des effets aussi délétères que les blessures physiques (Cao et al., 2023 ; Gold et al., 2005 ; Mol et al., 2005).

Pressions extérieures : famille, entraîneurs, réseaux sociaux

La pression ne vient pas uniquement de la compétition : attentes familiales, exigences des entraîneurs, exposition médiatique et nécessité de « performer » sur les réseaux sociaux s’ajoutent à la charge mentale des athlètes. 

Naomi Osaka, quadruple vainqueure de Grand Chelem, a suspendu sa carrière en 2021 en évoquant l’anxiété liée aux obligations médiatiques. Michael Phelps, nageur le plus titré de l’histoire olympique, a révélé avoir traversé de longues périodes dépressives malgré ses victoires, insistant sur l’importance de l’accompagnement psychologique des sportifs.

Autres exemples de blocages et de symptômes

En gymnastiques, on connait les « twisties » (perte de repères ) ou les « yips » au golf (blocage du geste), d’autres formes de blocages existent :

  • Syndrome de la page blanche chez les tireurs sportifs ou archers, incapables de déclencher le geste au moment crucial.

  • Blocage du service chez les tennismen, qui n’arrivent plus à engager le point.

  • Impossibilité de plonger chez les nageurs après une mauvaise réception.

  • Refus de contact chez les rugbymen après une commotion, se traduisant par l’évitement des duels.

  • Arrêt de la course chez les sprinteurs ou coureurs de fond, sans cause physique apparente.

Signaux d’alerte à surveiller

  • Troubles du sommeil persistants

  • Irritabilité, repli sur soi, perte d’intérêt

  • Évitement de certaines situations, gestes ou compétitions

  • Baisse soudaine de performance sans explication physique

  • Douleurs inexpliquées, troubles psychosomatiques

  • Discours négatif, perte de confiance, idées noires

L’EMDR : une solution efficace

L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une thérapie reconnue pour traiter les traumatismes psychiques, notamment dans le sport, même si elle n’est pas encore très connue dans ce milieu. Elle permet de retraiter les souvenirs douloureux, d’apaiser les émotions associées et de restaurer la capacité d’action du sportif.

Des études de cas cliniques montrent son efficacité dans le traitement des blocages liés à des blessures ou à des situations traumatiques. J’ai eu l’occasion de travailler avec un rugbyman ayant développé un blocage lors des sauts suite à une chute. Une seule séance a suffit pour que son cerveau digère ce souvenir et qu’il retrouve sa pleine capacité de mouvement. D’autres exemples existent en natation, golf, tir à l’arc ou tennis, montrant comment l’EMDR peut débloquer des situations réputées insolubles (Graham, 2004 ; Bennett et al., 2017 ; Curdt & Falls, 2018).

Il convient toutefois de rappeler que chaque situation est unique : certaines problématiques nécessitent plusieurs séances, notamment quand les symptômes sont anciens ou très ancrés.

Conclusion

Les traumatismes psychiques chez les sportifs de haut niveau sont nombreux, multiformes et souvent invisibles. Blessures, accidents, non-sélections, pressions extérieures : autant de chocs qui peuvent laisser des traces durables. Il est essentiel de reconnaître ces signaux d’alerte et de proposer des accompagnements adaptés, comme l’EMDR, pour permettre aux athlètes de retrouver équilibre et performance.

Il est temps que le monde du sport considère la santé mentale avec le même sérieux que la performance physique. Préserver l’intégrité psychique des sportifs, c’est aussi leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel.


Références :

  • Aron, C. M. et al. (2019). Post-traumatic stress disorder (PTSD) and other trauma-related mental disorders in elite athletes: A narrative review. BJSM.

  • Cao, X. et al. (2023). Elite youth athletes’ mental health…. Journal of Sports Sciences.

  • Gold, S. et al. (2005). Is life stress more traumatic than traumatic stress? Journal of Anxiety Disorders.

  • Mol, S. et al. (2005). Symptoms of PTSD after non-traumatic events. British Journal of Psychiatry.

  • Graham, L. (2004). Traumatic swimming events reprocessed with EMDR. The Sport Journal.

  • Bennett, J. et al. (2017). The Efficacy of EMDR With Graded Exposure in Sport. Journal of EMDR Practice and Research.

  • Curdt, A. & Falls, N. (2018). EMDR and athletic trauma.

  • The Guardian (2021). Naomi Osaka withdraws from French Open.

  • ESPN Documentary (2018). The Weight of Gold (Michael Phelps).

Le manque de confiance en toi, n’est pas ce qui t’empêche d’avancer

Le manque de confiance en toi, n’est pas ce qui t’empêche d’avancer

Le manque de confiance en toi, n’est pas ce qui t’empêche d’avancer.

Dans mon cabinet, j’accompagne des femmes brillantes, compétentes et engagées. Pourtant, beaucoup d’entre elles doutent de leur légitimité, de leur valeur ou de leur capacité à occuper des postes à responsabilité.

Elles disent :

« Je lancerai mon projet quand j’aurai plus confiance. »
« J’aimerais postuler à ce poste, mais je ne me sens pas encore à la hauteur. »
« J’ai besoin de renforcer ma confiance avant de prendre la parole. »

Et cette croyance est tellement ancrée que l’on en fait une condition de l’action.

Elles attendent souvent de « se sentir prêtes » avant de franchir un cap professionnel. Ce phénomène, loin d’être isolé, est profondément ancré dans notre société.​

Les chiffres confirment ce ressenti… mais que disent-ils vraiment ?

Une étude récente indique que 94% des femmes affirment avoir déjà ressenti un manque de confiance dans le cadre du travail. Un taux en baisse pour les femmes qui possèdent entre 0 et 7 ans d’expérience puisqu’elles sont 91%.

50% éprouvent des difficultés à s’affirmer et à poser leurs limites. Là aussi ce chiffre est en baisse pour les plus jeunes puisqu’on est à 45%

Enfin, 56% doutent de leur capacité à atteindre les objectifs donnés.

Autrement dit, nous avons collectivement intégré que c’est la confiance qui manque, et que c’est ce vide intérieur qu’il faut combler pour pouvoir enfin oser.

Mais dans mon expérience, cette idée est non seulement erronée, mais elle nous piège.

Et si le vrai moteur n’était pas la confiance, mais le courage ?

La confiance est un état intérieur, une sensation — agréable, mais instable.
Le courage, lui, est un choix. C’est une action.

C’est lui qui nous permet d’agir en présence du doute, en présence de la peur, en présence de la critique intérieure.

Et quand je regarde les femmes qui ont avancé, qui ont franchi des caps importants — changer de métier, prendre un poste de direction, s’installer à leur compte, affirmer leurs tarifs — ce n’est pas leur confiance qui les a propulsées.
C’est la capacité à agir malgré l’absence de confiance.

Elles ont ressenti le doute. Elles ont ressenti la peur. Et elles ont agi quand même.

Le courage n’est pas spectaculaire. Il est quotidien.

Il y a des formes discrètes, presque invisibles de courage, que je vois tous les jours chez mes clientes :

  • Celle qui ose dire “non” pour la première fois à un client.
  • Celle qui ose se rendre visible sur LinkedIn alors qu’elle redoute le jugement.
  • Celle qui accepte un poste à responsabilités sans se sentir prête, mais avec la volonté de grandir sur le terrain.

Des figures internationales qui transforment le doute en moteur

On pourrait croire que le doute est un frein irrémédiable ; pour Jacinda Ardern, c’est tout l’inverse. La Première ministre néo-zélandaise avoue qu’elle essaye de « transformer ce doute en quelque chose de positif : pourquoi suis-je un peu inquiète ? Est-ce un signe que je dois me préparer davantage, réfléchir plus en profondeur à ma décision ? »

De son côté, Sara Blakely, fondatrice de Spanx, identifie « le dialogue intérieur négatif » comme le principal obstacle à la réussite. Plutôt que d’ignorer ces pensées, elle invite à les repérer et à travailler activement sur ce monologue intérieur pour apprivoiser ses peurs et passer à l’action

Ces deux parcours illustrent qu’il ne s’agit pas d’éliminer le doute, mais d’apprendre à l’accueillir et à le canaliser pour en faire un véritable catalyseur d’action.

Écouter la voix du doute… sans la laisser conduire

Ce que beaucoup de femmes interprètent comme un “manque de confiance” est souvent la simple présence de leur critique intérieur. Cette voix, on l’a toutes : elle juge, elle alarme, elle compare, elle rabaisse.

Elle dit :

“Tu n’es pas légitime.”
“Tu vas échouer.”
“Ce n’est pas assez bon.”

Mais cette voix n’est pas nous. C’est notre peur, qui cherche à nous garder dans notre zone de sécurité. Elle devient plus forte précisément quand on approche de quelque chose d’important pour nous.

L’enjeu, ce n’est pas de la faire taire. C’est de l’identifier — “Ah, voilà ma critique intérieure” — puis de décider de ne pas lui donner les commandes.

Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’un entraînement au courage

Attendre de se sentir prête est une stratégie qui peut nous faire perdre des années.
Agir avec le doute, en revanche, c’est une pratique qui nous fait avancer tout de suite.

Le courage, ce n’est pas une disposition magique. C’est un muscle. Il se renforce avec chaque petit acte :

  • Dire ce que l’on pense en réunion.
  • Affirmer son ambition sans se justifier.
  • Se rendre visible même quand on ne se sent pas « assez ».

Et plus on agit, plus on construit… la vraie confiance. Celle qui est enracinée dans l’expérience vécue, et pas dans l’image qu’on essaie de se donner.

 

La Procrastination : Trait de personnalité ou Symptôme?

La procrastination : Trait de personnalité ou Symptôme?

Et si la procrastination n’était pas ce que vous croyez ?

Symptôme, signal ou simple paresse ? Ce qu’elle révèle vraiment.

 

On entend souvent ce genre de phrases :

« Je suis un procrastinateur. »

« Je n’arrive pas à m’y mettre. »

« Je repousse tout au dernier moment. »

Comme si c’était une fatalité. Comme si la procrastination était une étiquette collée sur le front, une identité figée. Et pourtant…

 

Quand on prend un moment pour écouter véritablement les récits de ceux qui disent procrastiner, une autre réalité émerge. Ces personnes se décrivent comme « inactives » face à certaines tâches, oui. Mais elles sont aussi capables d’énergie, de concentration, parfois même d’enthousiasme fulgurant… dans d’autres domaines.

Ce n’est donc pas une incapacité générale à agir. Ce n’est pas de la paresse. Ce n’est même pas un « défaut ». C’est quelque chose de bien plus nuancé.

 


La procrastination n’est pas un trait de caractère.

C’est un symptôme. Un message.

Un message que nous avons parfois appris à ignorer. Ou pire, à culpabiliser.

Car bien souvent, ce qui se cache derrière la procrastination, ce n’est pas un manque de discipline. C’est un manque de sens perçu.

Quand une tâche n’est pas connectée à ce que nous valorisons profondément, elle devient lourde. Floue. Vide de sens. Et l’élan naturel vers l’action s’éteint. Le corps dit non. L’esprit s’échappe ailleurs.

En revanche, quand une activité est alignée avec nos valeurs les plus hautes — ce qui compte vraiment pour nous —, alors il n’est plus question de procrastination. L’action devient fluide. Le passage à l’acte se fait sans effort. On n’a pas besoin d’un planning miracle ou d’une discipline militaire : l’élan vient de l’intérieur.


Et pourtant, que faisons-nous face à cette résistance ?

 

Nous nous jugeons. Nous nous culpabilisons.

« Tu n’as encore rien fait. »
« Tu ne tiendras jamais tes engagements. »
« Tu n’es pas fiable. »

La culpabilité s’installe, souvent en silence. Elle devient un bruit de fond. Une tension diffuse. Et elle épuise. Elle éloigne encore plus de l’action.

Mais la culpabilité ne fait pas avancer. Elle fige. Elle enferme dans une boucle où l’inaction devient la preuve de notre supposée défaillance.

Et si, au lieu de nous accuser de ne pas agir, on commençait par se poser une question simple :
Qu’est-ce que cette résistance essaie de me dire ?


Une boussole, pas une condamnation

Dire « je procrastine », c’est souvent une autre manière de dire :
« Je ne vois pas en quoi cela a du sens pour moi. » ou

« Je ne vois pas encore en quoi cela a du sens pour moi. »

Et si c’était cela, le vrai point de départ ?
Non pas lutter contre la procrastination à coups de to-do lists ou de techniques de productivité,
mais s’arrêter un instant pour écouter ce qu’elle signale.

Ce n’est qu’en reconnectant nos actions au cœur de ce qui nous anime vraiment que l’élan peut renaître. Non pas comme une injonction extérieure, mais comme un mouvement naturel.


Et si la prochaine fois que vous procrastinez,

vous remplaciez la question « pourquoi je n’y arrive pas ? »
par « qu’est ce qui est vraiment important pour moi?” ou “en quoi est-ce vraiment important pour moi ? »

La réponse pourrait tout changer.

 


Pourquoi envisager un coaching personnalisé ?

La procrastination est souvent le reflet :

  • d’un désalignement entre tes actions et tes valeurs profondes.
  • d’un perfectionnisme ou syndrome de l’imposteur qui finissent par t’éloigner de ce qui t’inspire

En tant que profession libérale, dirigeant ou entrepreneur, il est essentiel d’optimiser ton temps et ton énergie pour atteindre tes objectifs.

Un coaching peut t’aider à :

  • Identifier ce qui te bloque ou te disperse.
  • Te reconnecter à tes motivations profondes.
  • Mettre en place des stratégies concrètes pour agir efficacement.

💡 Envie d’agir maintenant ? Contacte-moi. Ensemble, nous construirons des solutions adaptées à ton profil et tes ambitions.

Ce que le Japon nous enseigne sur la laxophobie

Ce que le Japon nous enseigne sur la laxophobie

La laxophobie, ou peur excessive d’avoir une diarrhée ou un besoin urgent d’aller à la selle, est une phobie peu connue car tabou et pourtant elle est extrêmement répandue. Je propose ici une analyse approfondie de la manière dont le Japon illustre parfaitement les dynamiques profondes de la laxophobie, notamment en lien avec la honte, la culture du contrôle, et les normes sociales de pureté.

1. Le Japon, une culture de la propreté, du contrôle et de l’étiquette (la philie)

La laxophobie ne peut être comprise sans prendre en compte ce que le Dr John Demartini appelle la philie opposée : plus une société valorise un idéal (ici : le contrôle, la pureté, la discrétion), plus elle génère une peur extrême de son contraire.

Le Japon est mondialement reconnu pour :

  • Son obsession de la propreté : les trottoirs sont impeccables, les maisons se visitent sans chaussures, les écoles sont nettoyées par les élèves eux-mêmes…
  • Son infrastructure sanitaire avancée : les washlets (toilettes high-tech) équipés de jets d’eau, siège chauffant, et bruits d’ambiance pour masquer les sons, sont omniprésents. Ce n’est pas anodin : ces dispositifs sont conçus pour masquer les fonctions corporelles perçues comme honteuses.
  • Le respect absolu de l’autre : ne pas déranger, ne pas imposer son odeur, son bruit ou son corps est une règle implicite constante dans les interactions sociales. Une étude de Culture, Medicine, and Psychiatry (2017) montre que les normes sociales japonaises, comme l’importance de ne pas déranger les autres (« meiwaku »), exacerbent les peurs liées à des fonctions corporelles incontrôlables.

2. La conséquence : un environnement hautement anxiogène pour le corps et ses manifestations (la phobie)

Cette philie extrême crée un environnement dans lequel les fonctions naturelles du corps deviennent des objets de gêne, voire de panique. Ainsi :

2.1. La surconsommation de médicaments antidiarrhéiques

Au Japon, l’utilisation régulière d’antidiarrhéiques en prévention est très répandue. Une étude (Nishida et al., 2018) a révélé que près de 40 % des Japonais anxieux utilisent régulièrement des médicaments comme le lopéramide, parfois avant chaque déplacement. Cela s’inscrit dans une dynamique de contrôle extrême du corps dans l’espace public. Cette dépendance aux médicaments reflète une philie pour le contrôle et la prévention, mais elle peut aussi renforcer la phobie en créant un sentiment de dépendance et en maintenant l’illusion que la diarrhée est une menace constante.

2.2. L’angoisse liée aux transports en commun

Les trajets en train bondés sont l’un des contextes les plus anxiogènes pour les personnes souffrant de laxophobie. Cela s’explique par :

  • L’impossibilité d’accéder à des toilettes immédiatement.
  • Le regard des autres dans un espace silencieux et fermé.
  • Le risque de « gêner » ou « mettre mal à l’aise » les autres.

Une étude du Japan Times (2019) rapporte que l’anxiété liée à l’accès aux toilettes dans les transports en commun est un problème courant, en particulier pour les personnes souffrant de troubles digestifs.

2.3. Le tabou autour des fonctions digestives

La parole sur les troubles digestifs est largement tue. Les termes liés à l’évacuation intestinale sont évités, même dans les contextes médicaux. Le simple fait d’évoquer un besoin pressant est considéré comme un manque de retenue, de maturité ou d’élégance.

3. La laxophobie comme phobie de la honte

Il est donc important de comprendre que la laxophobie, dans ce contexte, n’est pas tant la peur de la diarrhée que la peur d’en subir les conséquences sociales : être vu, perçu, entendu, jugé. C’est une phobie de la honte : la honte comme menace à l’identité sociale.

Or, le Japon est une société où la honte a une portée culturelle unique :

  • Les samouraïs préféraient le seppuku (suicide rituel) à la perte d’honneur.
  • L’éducation japonaise inculque le gaman (supporter en silence), le shikata ga nai (l’acceptation stoïque), et le haji (la honte) comme éléments structurants de la vie sociale.
  • Toute manifestation corporelle inappropriée est perçue comme une perte de contrôle incompatible avec l’étiquette sociale.

Une étude de Asian Journal of Social Psychology (2021) explore comment ces concepts exacerbent les peurs liées à des fonctions corporelles incontrôlables.

4. Ce que cela nous apprend pour la thérapie et la déconstruction de la laxophobie

Comprendre la dynamique entre la valorisation excessive du contrôle et de la pureté (philie) et la peur extrême de la honte liée au corps (phobie) permet de mieux accompagner les personnes souffrant de laxophobie.

4.1. Explorer la philie de contrôle

Certaines personnes ont un attachement extrement élevé au contrôle et à la maitrise de soi. Il est donc important de travailler sur  cet attachement à la maîtrise de soi, au respect, à l’élégance, qui crééra de facto la peur de son opposé.

4.2. Déconstruire le lien honte-corps

Le travail passe aussi par la déconstruction de la honte des fonctions corporelles « digestives » avec par exemple :

  • Désensibilisation des souvenirs de honte (exemple diarrhée…) avec l’EMDR
  • L’exposition graduée aux situations évitées.
  • Le travail sur l’auto-jugement et l’image sociale.
  • La revalorisation des fonctions corporelles comme naturelles et non honteuses.

4.3. Interroger le perfectionnisme culturellement nourri

Comme dans d’autres troubles anxieux, le perfectionnisme et le besoin de conformité sont des leviers puissants dans la laxophobie. La société japonaise offre un cas d’école de cette dynamique.

Conclusion

Le Japon est un miroir culturel exceptionnel pour comprendre la laxophobie. Il nous montre comment une culture qui valorise l’ordre, la propreté et la non-nuisance génère une peur intense de tout ce qui échappe au contrôle, en particulier les fonctions corporelles. Cette phobie n’est pas simplement une peur de diarrhée, mais bien une peur viscérale de la honte.

Pour toute personne souffrant de laxophobie, il est fondamental de reconnaître et travailler sur les deux pôles : la philie et la phobie.

Références :

  • Nishida, A., et al. (2018). « Prevalence of functional gastrointestinal disorders and use of medication in Japan ». Neurogastroenterology & Motility.
  • Journals OpenEdition – La peur d’être une gêne pour l’autre : étude du taijin kyofusho (https://journals.openedition.org/traces/13678)
  • Demartini, J. (2002). The Breakthrough Experience. Hay House.
  • Ohnuki-Tierney, E. (1993). Rice as Self: Japanese Identities through Time. Princeton University Press.
  • Lebra, T. S. (1976). Japanese Patterns of Behavior. University of Hawaii Press.